Monday, December 31, 2007

À Bagdad, un festival du film pour exorciser les démons de la guerre

صحيفة وموقع لوديفوار
À Bagdad, un festival du film pour exorciser les démons de la guerreBagdad
-- Un homme en chaise roulante, avec autour du cou un transistor qui énumère les attaques dans un Irak à feu et à sang: cette image a marqué hier l'ouverture du Festival du film de Bagdad, résolument placé sous le signe de l'espoir.

--> -->«Les films doivent nous permettre d'exorciser nos démons», lance Ammar al-Aradi, président de cette deuxième édition du festival, organisée à l'hôtel Palestine jusqu'à samedi. Pour M. Aradi, la qualité des productions présentées à cette occasion compte moins que leur contenu: elles dénoncent toutes la violence et veulent transmettre un message d'espoir, dans un pays où presque tous les cinémas ont fermé leurs portes pour des raisons de sécurité. «C'est pourquoi nous avons choisi comme thème du festival le droit à une vie sûre et stable», poursuit M. Aradi. Un court-métrage irakien, Fréquence interrompue, du réalisateur Saber Shabbi, avait été choisi pour inaugurer cet événement bisannuel qui souffre d'un manque criant de moyens. Le film -- projeté devant quelques dizaines de spectateurs -- raconte la vie de deux hommes désoeuvrés dans l'Irak aujourd'hui: le premier, en chaise roulante, reste un irréductible optimiste malgré les mauvaises nouvelles que crachent son transistor. L'autre se morfond et passe le plus clair de son temps à contempler le plafond de sa chambre. À la fin, l'espoir l'emporte: «Tu vois, explique l'infirme à son compagnon, cette terre aride, qui te semble morte depuis si longtemps, peut encore porter des fruits.» Symbole de la précarité de toute entreprise dans Bagdad naufragé, le film a été brièvement interrompu. Panne de courant? «Non, c'est un crétin qui a débranché la prise», assure un responsable. Avec Tolérance du Marocain Abd Alla Bnena, les spectateurs ont ensuite été transportés à Central Park, au coeur de New York. Deux jeunes Américains y laissent libre cours à leur islamophobie («un bon musulman, c'est celui qui porte un costume orange à Guantánamo») jusqu'à ce qu'ils croisent deux musulmans remerciant Allah de pouvoir vivre aux États-Unis, «terre de liberté». Mais le message risque d'être perdu pour beaucoup: le film tourné en anglais était sous-titré... en anglais. «Je ne comprends pas mais ça ne fait rien. Je sais que c'est bien», se rassure une spectatrice. Le festival doit présenter 63 longs et courts-métrages de fiction ainsi que des documentaires provenant du Danemark, de France, d'Égypte et bien sûr d'Irak. «Vingt-sept films ont été tournés par des Irakiens, dont nombre de jeunes. Cela me soulage de voir qu'il y a une relève dans ce pays détruit où tout est à reconstruire, y compris le cinéma», explique M. Aradi. Ayas Jihad, 25 ans, a tourné pour un millier de dollars un court-métrage qui compare Bagdad à une maison de poupée qu'un garçon démolit «sans raison» à coups de poing, avant de se décider à la rebâtir. «Le plus difficile, c'est de trouver un financement, commente-t-il. Mais j'ai bon espoir que les choses vont aller en s'améliorant pour le cinéma et pour l'Irak, car l'un ne va pas sans l'autre.» «Le cinéma, c'est un peu l'âme de ce pays», poursuit cet étudiant à l'Académie des beaux-arts de Bagdad. Pour Ahmad Rahma, auteur d'un documentaire sur deux journalistes irakiens assassinés en 2004, «le rêve, c'est de pouvoir tourner un jour une comédie qui ne parle pas de la guerre». Ce jeune homme de 22 ans avoue songer à Hollywood, où «c'est toujours le bon qui gagne». «Quand les soldats américains sont entrés dans Bagdad [en mars 2003], je me suis dit que c'était comme dans une production hollywoodienne, mais tout compte fait, j'aurais préféré que ce ne soit qu'un film», dit-il.

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